lundi 11 décembre 2017

Libye

En Tunisie, les maires libyen veulent peser sur le processus de réconciliation


L’événement a été qualifié d’« historique » par Ghassan Salamé, le chef de la mission des Nations unies pour la Li- bye. Quatre-vingt-quatorze mai- res libyens se sont réunis du 6 au 8 décembre à Hammamet, ville balnéaire du littoral tunisien, pour tenter de peser sur le scéna- rio d’une réconciliation politique en Libye. Alors que l’impasse se prolonge sur le terrain à la veille du deuxième anniversaire des accords de Skhirat (Maroc) signés le 17 décembre 2015, le rassemblement de ces maires libyens – représentant 90 % de l’ensemble des municipalités du pays – est l’une des rares manifestations transcendant les fractures locales.

Les municipalités, institutions qui constituent les seules structu- res fonctionnelles dans un pays déchiré entre deux gouvernements rivaux – ceux d’El-Beïda à l’est et de Tripoli à l’ouest –, ont toujours été considérées comme un point d’appui potentiel dans la recherche d’un règlement global. L’un des prédécesseurs de M. Salamé à la tête de la mission libyenne des Nations unies, Bernardino Leon, avait déjà tenté d’activer un tel réseau. La tentative n’avait pas été très concluante. La réunion d’Hammamet inaugure toutefois une approche différente en raison de sa très large représentativité.

Les maires sont venus de toute la Libye et se reconnaissent dans le gouvernement de Faïez Sarraj à Tripoli ou dans celui d’El- Beïda soutenu par le maréchal Haftar, chef en titre de l’Armée nationale libyenne (ANL) et homme fort de la Cyrénaïque (est). Une rencontre de cette ampleur est sans précédent.

Fracture politique profonde

L’initiative, organisée grâce à la médiation de l’ONG suisse Centre pour le dialogue humanitaire, visait surtout à débattre des questions de gouvernance locale, notamment de la nécessité de four- nir des services publics (eau, électricité, santé...) propres à soulager les difficultés quotidiennes de la population. La portée de la réunion est pourtant clairement politique. Dans une déclaration finale, les maires libyens affirment leur « détermination » à faire sortir leur pays de son état actuel « de division et de désintégration ». Ils proposent de mettre en place un réseau de « comités de réconciliation » sous les auspices des municipalités. Ils appellent enfin la communauté internationale à les « intégrer » dans tout processus de règlement global.

« Cette réunion peut être un premier pas vers la réconciliation », affirme Abdelrahman Al-Abbar, le maire de Benghazi (est), proche du maréchal Haftar. « Malgré nos divisions politiques, les municipalités ont de bonnes relations entre elles, abonde Youssef Ibderi, le maire de Gharyan, ville située à 90 km au sud-ouest de Tripoli et qui reconnaît l’autorité du gouvernement de M. Sarraj. Nous souhaitons que cette réunion dé- bouche sur une réconciliation. » Les organisateurs de la réunion d’Hammamet espèrent jouer sur ces solidarités municipales autour des préoccupations communes de gouvernance locale pour contourner l’inlassable querelle de légitimité opposant les deux gouvernements de l’est et de l’ouest. Le pari réussira-t-il ? La tâche s’annonce délicate tant la frac- ture politique demeure profonde.

Certains maires de l’ouest, issus des élections municipales de 2012, avouent en effet leur « malaise » face à leurs homologues de l’est qui doivent leur poste, non à une élection, mais à leur nomination par le camp du maréchal Haftar. Ce dernier a en effet démis de leurs fonctions nombre de maires élus en Cyrénaïque pour les remplacer par des gouverneurs militaires. « Haftar est hostile au processus démocratique », déplore Youssef Ibderi, le maire de Gharyan. Le maire de Benghazi maintient quant à lui son soutien au chef en titre de l’armée. «L’armée du maréchal Haftar dispose du soutien populaire », insiste-t-il.

De tels antagonismes sont-ils surmontables ? Les maires présents à la réunion d’Hammamet veulent le croire. « On finira par arriver à se réconcilier, souligne M. Elabbar. La situation actuelle ne peut pas durer. »

Dans l’immédiat, le climat de confiance forgé à Hammamet pourrait servir à jeter les bases de la « conférence nationale » appelée de ses vœux par M. Salamé en prélude à la tenue de futures élections – législatives et présidentielle. L’avenir du plan de M. Sa- lamé sur la Libye dépend lourde- ment de sa capacité à convertir au plan politique les gains engrangés sur ce front municipal.

Aucun commentaire:

Google+